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Ce SRAS a faim
1 avril 2006

Le cadeau du directeur

Après  Une journée à la campagne, le directeur avait promis de m'offrir quelque chose, il tint sa promesse. Je poussai donc la porte de l'un des cinq directeurs très occupés du lycée pour réclamer mon dû.

Un nuage invisible, mais irritant de fumée de cigarette profite du courant d'air déplacé par mon corps pour filer par la porte derrière moi, alors que je m'approche en me tortillant, timide et mal à l'aise. Le cadeau de M. Dong me réjouissait beaucoup, car ce type d'ouvrage n'existe plus que comme fac simile à l'attention des touristes  et sont vendus à des prix exorbitants. Je me réjouissais aussi du plaisir qu'aura peut-être Jean Marc, le célèbre collectionneur tordu d'objets communistes, en tenant dans ses mains ce qu'impatiemment j'attendais dans ce bureau blafard.

Trouver le directeur était pour l'heure l'affaire la plus pressante, car seul son adjoint au physique ingrat, clopot à la bouche et en côte de maille râpé, pressait avec lenteur les touches de son monstre d'ordinateur. Il occupait l'unique deuxième chaise de la salle et ne me réserva aucun accueil.

Impressionnée par l'odeur âcre, la tronche oursonne et le mobilier, par principe toujours identique à celui du bureau d'à côté, à l'exception près que celui-là était habité par une couche de poussière plus épaisse, j'osais pourtant :

-" M. Dong n'est pas là", pensais-je dire avec ces mots " Bù Dong".

L'homme levait des yeux incrédules vers l'auteur de la phrase et l'éclat de rire éclata aussitôt. En réalité, le nom de ce directeur pouvait porter à confusion comme je l'employais car ma phrase signifiait en réalité " je ne comprends pas", rien à voir donc avec la triste constatation que je voulais faire.

Les précipices de la langue se moquent bien de mes tentatives expérimentales. J'ai depuis longtemps renoncé à donner une image sérieuse de moi-même et je me satisfais d'être le fantôme clownesque des salles de profs ; je les vois bien assiéger Catherine de questions quand je fais rire ma collègue, dans l'espoir de profiter de mes bouffoneries. Et, ces bouffoneries changent de l'ambiance de commérages qui anime chaque bureau. Tristement le gros des conversations se tourne vers celui ou celle qui a eu le maheur de quitter plus de quatre minutes la salle commune. Les femelles et les mâles font alors crisser leurs chaises sur les carreaux de céramiques et les faces impatientes se faisant face, elles débitent à folle allure sarcasmes et mauvaises imitations. Tenus de rester sur leur lieu de travail de 7h du matin à 17h le soir, l'espace exigü, le nombre très important d'enseignants de moins de 30 ans, favorisent ces heures de poissonerie ; alors fleurtant d'un bureau à l'autre, on les voit migrer avec leurs sacs de graines de tournesol et dévorer les pommes que la caisse de solidarité enseignante livre régulièrement.

M. Dong arrive sérieux et se met à éventrer ses tiroirs bordéliques, à trifouiller frénétiquement dans l'armoire séculaire, avant de me tendre, triomphant, un magazine illustré en noir et blanc et couleurs, exemplaire de 1960 relatant la vie de Mao, maltraité sous les piles de dossiers inutiles. Replongé une fois encore dans sa danse frénétique, il refait surface quelques minutes après avec une collection de cinq pins, cinq Mao à plusieurs époques de sa vie, du fringant soldat au président obèse.

Je reçois deux DVD, en chinois bien évidemment, et un poster ancien. Ce poster est une affiche traditionnelle de l'époque révolutionnaire : il s'agit d'une feuille rouge qu'on découpe et évide pour faire apparaître le portrait de Mao quand elle est placée au dessus d'une feuille blanche ; nombreux sont les salons chinois qui exhibent de telles affiches, art officiel voué à disparaître avec leurs propriétaires sans doute car peu de jeunes chinois investissent dedans, préférant des intérieurs surchargés et modernes.

Avant de le quitter, M. Dong me fait promettre de ne pas répandre des propos malencontreux sur Mao, je promets. Il me congédie en me promettant de me raconter la vie de Mao chaque fois que je viendrai le voir ; je m'empresse d'acquiescer, c'est l'heure des cours, le temps d'aller aider les nouvelles générations à voyager.

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Commentaires
M
Bonjour Marie,<br /> <br /> De mon monde nordique, suite à la "pub" de Michou, je m'aventure (grande première) à découvrir TON blog. Vive les montagnes russes !!!<br /> Transportée, ravie, étonnée, j'y ai vécu toutes les émotions et surtout je fus émue par ton style littéraire, drôle et vrai qui me plaît infiniment.<br /> Ou est ce l'oeuvre d'une traductrice chinoise douée et cocasse ? :-) Je plaisante bien sûr.<br /> Alors surtout continue et moi je suis devenue une fan.<br /> Bisous.<br /> Muriel
R
Chère Maï,<br /> <br /> Ta chère cousine et moi même avons l'impression que nos mails n'arrivent pas? Je fais donc appel à la communauté pour résoudre se problème:<br /> <br /> SONDAGE: Pensez-vous que Marie reçoit les mails??<br /> <br /> Petite explication: Ayant un doute depuis un certain temps j'ai envoyé un mail te demandant d'en accusé réception, avec une phrase du type "vi, vi je l'ai eu". Or point de réponse.<br /> Le blog restant donc le seul moyen de te joindre, j'ai donc décidé de pourrir ta ligne éditoriale avec un problème purement technique.<br /> <br /> Dans le cas ou tu n'as pas eu vent de ces mails, plusieurs solutions:<br /> 1/ tu as bloqués les destinataires dans ta liste noire msn. (merci...)<br /> 2/ Tu subis une forme de censure informatique. Dans ce cas tente la création d'une nouvelle boite chez quelqu'un d'autre (opérateur local, Yahoo, google...)<br /> <br /> Dans le cas ou tu les reçois: beurk, vilaine, pas belle, bouh.<br /> <br /> Une fois le problème réglé, n'hésite pas à effacer ce post sans grand intérêt.<br /> <br /> Rom, Zorro informatique de pacotille<br /> <br /> Ps : Je parle de 2 mails en 2 semaines.
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